Conscience du Réel — Références, Affinités et Résonances — Sylvain Lebel

Références, Affinités et Résonances

Le présent traité a été élaboré de manière indépendante, à partir d'une expérience intérieure du réel, d'une réflexion progressive sur le changement, et d'un effort de cohérence conceptuelle. Il n'en demeure pas moins que certaines idées ou formulations rencontrent, par affinité ou convergence, d'autres pensées développées dans des traditions philosophiques, scientifiques ou spirituelles. Sans prétendre s'y inscrire directement, je tiens à mentionner ces résonances, en signe de reconnaissance et de dialogue.

Sur le plan philosophique, le principe d'une substance unique, immanente et auto-déployée, évoque des proximités avec Spinoza et son Éthique, où la nature est Dieu et la pensée une expression de l'étendue. Cette substance discernante, que j'appelle CELA, entretient aussi des liens indirects avec la philosophie du processus d'Alfred North Whitehead, où chaque événement est un acte de préhension créateur. L'idée d'un réel dynamique, structuré par la perception du changement, rejoint certaines intuitions de Henri Bergson, en particulier dans L'Évolution créatrice, où la durée et l'élan vital priment sur la structure figée. Enfin, l'ancrage perceptif de ma logique s'apparente à certaines démarches phénoménologiques, notamment chez Merleau-Ponty, ou encore à la pensée de Gilbert Simondon, qui voit dans l'individuation un processus plutôt qu'un état.

Sur le plan scientifique, la conception d'un univers dissipatif, auto-organisé, et non entièrement déterminé à l'origine, rejoint les travaux d'Ilya Prigogine sur les structures dissipatives, tout comme certaines hypothèses de Lee Smolin sur l'évolution cosmique des lois physiques. La nature relationnelle de l'espace-temps et le refus d'un substrat absolu s'accordent avec les propositions de Carlo Rovelli et des théories de gravité quantique à boucles. Quant à l'idée que les formes se stabilisent par minimisation de tension dans une dynamique non locale, elle entre en résonance avec les spéculations de David Bohm sur l'ordre implicite, ou encore avec la vision computationnelle du réel proposée par Stephen Wolfram et Max Tegmark, pour qui l'univers serait d'essence mathématique.

En matière de cognition et d'intelligence artificielle, mon modèle de discernement en huit niveaux peut être lu comme une architecture cognitive à la fois perceptive, logique et réflexive. Il évoque à la fois la hiérarchie modulaire de Marvin Minsky, la métacognition explorée par Stanislas Dehaene, et la théorie de l'autopoïèse développée par Francisco Varela et Humberto Maturana, où la cognition émerge de l'auto-organisation d'un système vivant. Les structures de traitement en couches successives, utilisées dans les réseaux neuronaux profonds (notamment par Yoshua Bengio), peuvent aussi être considérées comme un écho technique de cette logique différenciée du discernement.

Sur le plan spirituel, bien que mon approche ne s'enracine dans aucune doctrine religieuse, on retrouve dans ma conception de CELA des échos métaphysiques de certaines traditions non-duelles, comme l'Advaita Vedānta, où Brahman est la source et la trame de tout ce qui est, ou encore le Taoïsme, où le flux du réel se déploie sans sujet, ni finalité extérieure. Dans une autre perspective, certaines formes de mystique chrétienne, notamment chez Maître Eckhart ou Jean de la Croix, évoquent l'idée d'une présence intérieure, indéfinissable, mais active dans le monde. Enfin, dans le bouddhisme Madhyamaka ou le Zen, le vide n'est pas néant, mais base de toutes les différenciations possibles, ce qui rejoint l'idée d'un spation fondamentalement structurel, non substanciel.

Certaines influences plus transversales méritent aussi d'être évoquées : Kurt Gödel pour sa démonstration des limites internes de tout système formel, George Spencer-Brown pour sa loi de la forme, fondée sur l'acte même de distinguer, ou encore des auteurs plus marginaux comme Rudolf Steiner ou Arthur Young, dont les spéculations sur l'évolution de la conscience, bien que hétérodoxes, touchent parfois des points sensibles de ce que j'explore ici.